Encore trop peu de victimes de pesticides indemnisées
Dans le cadre de la commission d’enquête sur les pesticides, la MSA et l’association de Phyto-victimes dressent le bilan des trois ans du Fonds d’indemnisation aux victimes de pesticides (FIVP).
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Il avait fallu près de dix ans pour le créer. Évoqué la première fois en 2012, le Fonds d’indemnisation aux victimes de pesticides (FIVP) a été inscrit dans la loi de finances de la sécurité sociale en 2020, et défini par un décret du 27 novembre de la même année. Trois ans après sa création, si le Fonds permet à de plus en plus de victimes de bénéficier d’une indemnisation, de nombreux défis sont encore à relever pour le faire connaître auprès des agriculteurs. C’est le résultat de l’audition menée par la commission d’enquête sur les pesticides à l’Assemblée nationale, le jeudi 2 novembre 2023.
Aujourd’hui, le FIVP répond à différents objectifs. « Faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles par une procédure plus simple, plus rapide et plus juste, et d’indemniser plus largement les victimes de pesticides », explique Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation de la Caisse centrale de la MSA (CCMSA).
Actifs, enfants et retraités indemnisés
Peuvent être indemnisées les personnes affiliées au régime général ou au régime agricole ayant contracté une maladie professionnelle liée à l’exposition des pesticides. Les victimes sont principalement des actifs, en contact direct avec des pesticides lors de leur travail, les retraités, en contact au cours de leur carrière, mais aussi les enfants exposés pendant la période prénatale, du fait de l’exposition professionnelle de l’un des deux parents. C’est donc aujourd’hui un large éventail de personnes qui ont fait la demande pour être indemnisées. « La victime la plus âgée a 94 ans, et la plus jeune, 13 ans », indique Christine Dechesne-Céard.
En 2022, 650 dossiers de demande d’indemnisation ont été déposés. Un chiffre en hausse : le fonds en avait reçu moitié moins l'année précédente (326 en 2021). La grande majorité concerne des travailleurs du monde agricole, avec près de trois quarts des demandes réalisées par des non-salariés. Si le fonds peut se féliciter de cette augmentation, signe d’une connaissance accrue de la plateforme, les demandes restent très faibles lorsque la demande d’indemnisation concerne les femmes (moins de 8 %) et les enfants exposés pendant la période prénatale (seulement 17 demandes depuis 2021).
650 demandes en 2022
Les demandes concernent les maladies professionnelles reconnues dans le tableau des maladies professionnelles de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles). Dans le cas des maladies graves liées à l’exposition aux pesticides, les demandes auprès du fonds concernent majoritairement les cancers de la prostate — récemment ajouté au tableau des maladies professionnelles —, les lymphomes, la maladie de Parkinson et les cancers du sang.
Financé en majeure partie par les cotisations ATMP et dans une moindre mesure, la redevance pour pollution diffuse - proposée d’être rehaussée dans le projet de loi de finances pour 2024 le FIVP est largement excédentaire par rapport aux demandes d’indemnisation (11 millions d’euros contre près de 7 millions).
Manque de communication
Parmi les nombreux défis à relever se pose donc celui du « manque flagrant de communication », observe Frédéric Descrozaille (député Renaissance), président de la commission d’enquête. Une observation partagée par Antoine Lambert, président de l’association Phyto-Victimes qui note la difficile prise de conscience des agriculteurs sur le risque de maladies graves provoquées par les pesticides.
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La question des recommandations d’utilisation est aussi soulevée par les secteurs les plus concernés par les demandes d’indemnisation. En tête, la viticulture et la polyculture-élevage, devant les cultures céréalières, pourtant plus enclines à utiliser des pesticides. Une différence qui pourrait être expliquée par une utilisation moins récurrente et moins professionnelle (donc plus à risques) des produits phytosanitaires, estime Nicolas Turquois (Modem), député et membre de la commission d’enquête.
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Parmi les pistes d’amélioration, ont donc été proposés des messages de conseil d’utilisation sur les publicités de pesticides et la prise en compte de la contamination de la mère non professionnelle (pour l’indemnisation de l’enfant). Enfin, les intervenants se sont accordés sur la nécessité de l’extension des actions de communication, grâce à l’excédent financier, alors même que « la prévention est encore balbutiante », observe Dominique Potier (PS), rapporteur de la commission d’enquête.
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